Il entend un bruit de pas traînant derrière la porte, et une voix de crécelle qui dit :
— Patiente, j’arrive, ne partez pas, la vieille est là !
Antoine commence sérieusement à se poser des questions. Dans la famille de Mathilde, après le supposé père, est-ce qu’il aurait maintenant la supposée grand-mère ? Un bruit de loquet, la porte grince et s’ouvre enfin. “Heu, non” se ravise Antoine, “ce serait plutôt une arrière grand-mère là !”
— Oh, mais quel charmant specimen, lui dit une petite femme, ridée comme une vieux pruneau. Qui que tu sois, entre donc mon petit, entre donc !
— Je suis un ami de Mathilde, dit Antoine, pas très rassuré. Elle m’a donné… rendez-vous, mais je peux l’attendre ici si vous voulez ?
— Mathilde ? Oui, bien sûr... Mais non, bien sûr que tu ne vas pas rester sur le palier, suis moi ! rétorque la petite vieille avec autorité.
Antoine pénètre dans le couloir de l’entrée, à peine a-t-il passé la porte que celle-ci se referme comme par… “sorcellerie?”. “N’importe quoi”, pense Antoine, “c’est juste une porte automatique”, pas de quoi s'affoler. N'empêche que lorsqu’il arrive dans le salon au bout du couloir, son cœur manque de s'arrêter à la vision des décorations accrochées au mur.
— heuuuu, dit Antoine en se raclant la gorge, c’est quoi ces horreur… heu… ces têtes ?
— Tu admires les trophées de chasse de mon défunt mari ?
— Vous voulez dire… qu’il a tué… tous ces animaux ? déglutit Antoine.
— Tous, sauf un, hélas, soupire la petite vieille, c’est la dure loi de la nature n’est pas ?
Mais Antoine ne répond pas, il est tétanisé sous le dernier trophée.
— c’est.. c’est… un crâne humain !
La petite vieille le regarde, puis éclate de rire.
— Un crâne humain ! Mais non, quelle imagination mon garçon ! C’est un crâne de singe voyont !
— Pourtant il n’est pas très poilu pour un singe, fait remarquer Antoine en faisant une grimace.
— C’est une espèce très particulière : les faces de fesses. Ils n’ont pas de poils sur le visage comme sur leur… enfin tu vois ce que je veux dire ?
— Face de fesse ?, répète Antoine, jamais entendu parlé de…
Mais la petite vieille ne l'écoute plus, elle s’est déjà installée dans un canapé recouvert de dentelle.
— Assieds toi mon enfant, Melinda ne va pas tarder à arriver.
— Melinda ? Non c’est Mathilde, c’est Mathilde votre petite…
— Mathilda, oui bien sûr, tu sais, je n’ai plus toute ma tête moi non plus. Elle lui fait alors un clin d’oeil en désignant les trophées. Mais je suis sûr que tu as soif, buvons un verre en attendant… Mathilda !
Et elle verse dans deux verres disposés sur une petite table basse, un liquide jaunâtre qui sent une odeur bizarre.
“Du poison”, pense immédiatement Antoine, “ ou un somnifère ! elle a sûrement versé du poison ou un somnifère, si je bois ce truc, je vais finir moi aussi empaillé sur ce mur”. “On se calme” lui dit alors une petite voix dans sa tête, "arrête de te faire des films ! Bois c’est juste un jus de citron”. Que faire alors,