Antoine saisie le verre qui est devant lui, la vielle femme fait de meme. pendant un instant ils se défient du regard sans bouger, puis soudain :
— Cul sec dit la vieille, et elle avale d’un trait sa boisson.
— Oui, cul sec, répète Antoine en avalant prudemment à son tour.
— Aaaah dit la petite vieille, délicieux n’est-ce pas, un petit goût de paradis… ou d’enfer comme disait mon mari ! Et elle glisse comme une feuille morte sur le côté du canapé.
“Je le savais” dit Antoine à voix haute, “ha ha, je l’ai bien eu”, puis il se ravise,”Heu, mais si c'était du poison, alors je l’ai tu…” mais avant qu’il ne finisse sa phrase, un ronflement sonore s'élève du canapé. “Elle dort ! je l’ai pas tué, elle est juste endormie ! Maintenant il faut que je parte de cette maison de cinglé, parce que les siphonés, ça commence à bien faire pour aujourd’hui !” Il se lève, puis se rassoit aussi vite. La pièce se met à tourner autour de lui et les objets se dédoublent. Nouvelle tentative. Maintenant il titube vers l'entrée. Il tend la main vers la porte. Mais pourquoi y a t il deux poignées, il saisit la première, mais elle disparaît dans sa main. Une poignée fantôme ? Cette femme est vraiment une sorcière. Il saisit la deuxième.
— Ha Ha, je te tiens et je ne vais pas te lâcher, à moins que tu te transformes en serpent, mais tu ne vas pas te transformer en serpent hein ? Mais pourquoi est-ce que je parle à une poignée, moi ?
Au moment où il tord la queue du serpent, un bruit de sonnette résonne quelque part dans son cerveau embrumé.
— Qui est-ce qui sonne les cloches ? demande Antoine, c’est pas encore pâques à ce que je sache.
Il s’approche de l'œilleton de la porte qui n'arrête pas de changer de place et finit par plonger tête baissée juste au moment où son œil s’aligne avec le trou. Bong !
— AIe ! même pas mal.
Il cligne de la paupière pour ajuster sa vision, et là, tout au fond du tunnel, à une distance qui lui paraît être des kilomètres il voit :
— Le maboule ! C'est le faux père de Mathilde ! Il m’a retrouvé !
La peur lui donne des ailes aux pieds, il s’arrache de la porte, fait demi- tour, se précipite dans le couloir. Il entend un bruit de clé dans la serrure. Il contourne le canapé en dentelle, la petite vieille ronfle toujours, il tourne la tête, la bas dans le couloir la porte s’ouvre ! Il regarde affolé dans toutes les directions, le crâne de singe sur le mur lui souri de toute ses dents, là, au fond de la pièce, deux couloirs, un qui part à gauche, un qui part à droite “ vers le paradis”, ou “vers l’enfer” lui murmure la tête de singe. A gauche, à droite, à droite à gauche, quelle direction choisir ?