— On applique le principe de précaution, on va tâcher d'éviter l’hospitalisation tout en respectant les règles de l’hospitalité.

— Et on fait ça comment ?

— On verse discrètement le bouillon dans les jardinières, juste derrière nous.

Goulglou...

— He bien, He bien ! je vois que vous vous êtes régalé.

— Oui, c'était vraiment… délicieux !

— J'espère que vous n'aurez pas de mal à le digérer, j’ai parfois tendance à avoir la main un peu lourde avec le bœuf.

— Oui, on a vu ça sur la barrière !

— Qu’est-ce qu’il a dit le gentil bambin ?

Toc toc toc…

— Hein, qui c’est à cette heure-ci ? D'autres cinglés ont fait le chemin jusqu’ici ?

— Pas à ce que je sache, on est les seuls maboules à l'horizon

— Voilà, voilà, j’arriiiive… ne vous inquiétez pas, c’est juste mon arrière petit fils qui rentre avec une bonne surprise pour vous tous !

— Heu… en général, c’est pas quand on dit de pas s'inquiéter qu’il faut commencer à flipper ?

— Ou là, on se détend ! Qu’est ce qu’on aurait à craindre d’un arrière petit fils ? Il doit avoir, quoi ? Dix ans max ! Le môme doit encore sucer son pouce, voir porter des couches !

— Ouai, n'empêche, j’préfère garder mon opinel à la main au cas où il cache un flingue dans sa Pampers.

La petite mémé s’avance vers la porte, elle tourne la poignée, une rafale de vent s'engouffre dans la maison, un frisson parcourt l’assistance, et la porte s’ouvre…

— Aaaaah, mais c’est quoi ça !!!!!

Panique générale, tout le monde se met à crier en voyant apparaître une silhouette haute de plus de deux mètres, et sacrement cornu en plus...

— J’vous l'avais dit, c’est l'arrière grand-mère de Belzébuth !

— On est cuit ! Ou on va pas tarder à l'être !

— Oh… mais pourquoi toute cette agitation ? Ah mais bien sûr ! Ange, mon petit, enlève ton déguisement s’il te plaît, tu vois bien que tu fais peur à tout le monde !

— Pardon, mais j’ai trouvé que cette vielle peau pour traverser les pâturages. Comme dit mémé : Pour s'proteger des boeufs, habille toi comme eux !

Tout le monde respire à nouveau...

— Oui… certainement, c’est certain… c’est un très, très bon conseil… prenez en de la graine les jeunes !

— ça veut dire quoi son truc avec les boeufs, j’ai rien compris, y’a un quelque chose à comprendre ?

— J'espère que tu n’as pas oublié la surprise mon tout petit ?

— Une surprise ? Quelle surprise ? J’en ai marre des surprises ! Je veux retourner à ma vie banale, sans chemise, sans foulard, sans surprise...

— Mais avec moi quand même, non ?

Ange dépose un grand carton sur la table…

— Le dessert ! Mes jeunes amis, vous allez nous régaler… Heu... Vous régaler, je veux dire!

— Elle a dit nous ? Pourquoi elle a dit nous ?

— Arrête de flipper, sa langue a fourché c’est tout.

— Mwouai ! ça langue est fourchu tu veux dire !

— De la délicieuse tarte aux myrtilles parfumée aux fleurs des alpages !

Après tout ce stress, tout le monde laisse éclater sa joie...

— Finalement, ça se termine plutôt bien tout ça, parce que ça avait franchement mal commencé.

— Et encore moins bien continué, j’ai l’impression qu’on a enchaîné les mauvais choix dans cette histoire.

Les jeunes se précipitent sur le carton, mais…

— Hé ! attendez !

— Quoi encore ?

Seb se penche et murmure…

— Vous êtes bien sûr de vouloir manger cette tarte ? Elle a l’air un peu bizarre non ? Faudrait pas voter avant de faire une bêtise ?

— Non, mais… si y’a bien un truc pour lequel c’est pas la peine de voter, c’est la tarte à la myrtilles, tu deconn…

Un silence gênant s’installe…

— J’plaisante !!! Pas d’pitié pour les myrtilles !!!

Et tout le monde mange avec entrain...

— Ah, quel plaisir de vous voir vous régalerez mes enfants ! Mangez, mangez, il y en a pour tout le monde ! Et pas d’quartier pour les myrtilles ! Comme vous dites.

— Regarde mémé, ils en ont plein la bouche, ça dégouline de partout.

— Oui mon Ange, ça dégouline…

— Je peux maintenant mémé, je peux ?

— Attend encore mon petit, attend que la digitale fasse son effet.

— J’ai trop hâte mémé, j’en ai assez de ma peau d'boeuf, elle gratte, j’ai vraiment trop hâte de me retrouver... dans la peau d’un chef !

— Ou d’une cheffe ! Il faut toujours respecter la parité mon enfant.

FIN